mercredi 9 mai 2012

Takesada Matsutani, « Des années 60 à nos jours »


Galerie Richard, 3 impasse Saint Claude. 75003 Paris
Du 17 mars au 5 mai 2012.


Quelques pas dans la galerie et nous entrons dans un espace en noir et blanc. Le sol est blanc, les murs sont blancs, même la fille de l’accueil semble avoir été privée de couleur. La première chose qui nous appelle, sur la droite de la première salle, est ce dessin à la mine de plomb de 10,20 mètres de large par 3 m de haut réalisé lors d’une performance en 1983. Un dessin intriguant, traduisant une sorte de recouvrement... Puis nos yeux se tournent vers les peintures de l’exposition. Plus petites que le dessin précédent mais fortes en matières. De différentes tailles, elles sont toutes traitées avec les mêmes matériaux : la colle vinylique et la mine de plomb.
En entrant dans la deuxième salle nous découvrons d’autres toiles, toujours les mêmes techniques, avec d’autres dispositifs, jouant avec les limites de la sculpture, nous retrouvons toujours la ligne directrice du travail de Takesada Matsunati. Et nous nous retrouvons parmi toutes ces peintures noires et blanches face à deux toiles blanches, rouges et bleues... Les choix de couleurs et de compositions m’intriguent encore mais la technique employée me rend légèrement jaloux... Je m’imagine plein de choses... La technique de l’artiste lui permet de gonfler la colle comme une sorte de ballon, mais comment fige t’il sa colle pour qu’elle garde autant de volume ? Il donne à sa toile un relief bombé rappelant formes féminines, formes organiques de la nature ainsi que cette idée de recouvrement. Du noir sur le blanc, d’une matière sur une autre, nous rappelant son rattachement au groupe d’art japonais Gutai déclarant dans leur manifeste « l’art Gutai ne change pas le matériau mais il lui donne vie. »
Parfois calmes, parfois mouvementées, les toiles de Matsutani me paraissent être des zones intemporelles...

Pour avoir d’avantages d’informations sur l’exposition vous pouvez visiter le site de la galerie Richard www.galerierichard.com

Pouillet Pierre

 « Stream 10 », 1983     

« La propagation », 1968

  
   « Sphère-83 », 1983.





Trois arbres et une méditation : 1820 blossom place


Farhad Ostovani

Exposition du 9 au 17 mars 2012
Atelier Michael Woolworth
Place de la bastille 2, rue de la roquette Cour Février. Paris


Balade de Janvier à Juin sous un ciel bleu du mois de Mars. Direction Février. J'entre.
Par une petite porte je pénètre dans une petite pièce aux murs blancs éclairés par une de ces vieilles devantures vitrées propre aux faubourgs parisiens. Aux murs quelques estampes, sur une table des livres et des gravures…
Farhad Ostovani expose.
Par l’ouverture d’un petit couloir parviennent des bruits et une certaine agitation inattendue dans une exposition de gravure. Et de fait j’aperçois des gros rouleaux de lithographie accrochés sur un mur sali et derrière d’énormes presses taille douce et litho sur lesquelles s’affairent trois ou quatre personnes. Comme aspirée par les odeurs d’encres et les bruits de froissements de papiers je me risque à passer un pied par l’ouverture - « Entrez, entrez … » - aussitôt repérée, je suis invitée à pénétrer à l’intérieur de l’atelier par le maître de maison, Michael Woolworth.
Je m’avance doucement, l’endroit est magique. Je ne suis plus comme je le croyais dans une simple exposition de gravures mais au cœur de l’atelier même où ces dernières ont été créées. L’espace est séparé en deux, une partie où sont installés les presses, les bacs d’acides, les buvards pour faire sécher les estampes, une machine à insoler pour la photogravure, les rouleaux, les encres et de l’autre, sous une verrière d’où pénètre la lumière un espace de travail avec quelques tables sur lesquelles sont installées des pierres lithographiques. Un sentiment extrêmement fort se dégage de cet endroit, comme l’impression d’être au sein du ventre de la création même comme si les gravures accrochées aux murs venaient de passer sous presse. L’aller-retour entre l’accrochage et les machines, les gestes de l’artiste, ceux de l’artisan, et le résultat qui se retrouve fixé au mur est constant. Les corps s’agitent et j’observe la dextérité avec laquelle les encres sont étalées sur les plans d’encrage, les coups de rouleau sont donnés avec force, les papiers sont manipulés avec minutie et un respect presque religieux. Tout ici donne à voir le rapport entre la technique et la création pure, entre l’idée et le geste, entre l’homme, la machine et la feuille. Il n’existe pas de cloisonnement entre la façon de faire et l’objet fini. C’est presque une définition de l’art qui est donnée par cette démonstration et ce dialogue perpétuel. Le lieu d’exposition n’est plus un simple cube aux murs blancs sur lesquels s’accrochent des œuvres mais un véritable espace de vie et de création en mouvement et en regard.
Au mur, sous la verrière, d’autres estampes de Farhad Ostovani sont accrochées. Un travail de lithographie et de photogravures autour de végétaux, feuilles ou arbres parfois trop réalistes ou trop classiques à mon goût. 

Lion Prune

"Lemon three", 2010. Lithography and photogravure on Japanese paper. 85x65 cm. 

"Magniolia" 2009. lithography and photogravure on Japanese paper. 95x120 cm. Farhad Ostovani


   

Robert Combas. Greatest hits


Au Musée d’art contemporain de Lyon.
Du 24 Février au 15 Juillet 2012.

Robert Combas dans cet énorme musée qu’est le MAC de Lyon ! Lorsqu’on connaît le travail de ce dernier, on ne peut que s’attendre à une véritable explosion visuelle. C’est véritablement une explosion des sens qui s’opère ! Une petite salle, aux murs recouverts de papiers peints, c’est le départ. Des textes accompagnent les tableaux, poésies pseudo-descriptives ou rêveries réveillées. Le style Combas est là, clairement !
De grands formats aux couleurs hallucinantes, des planches de B.D fauvistes, de la peinture hurlante. Les plus grands hits ! Ça c’est du rock, des personnages bizarres, des signatures poilues, de l’humour ultra-violent. Et tout s’enchaîne ainsi, dans l’immense dédale d’un foutoir mathématique. C’est un voyage complètement psychédélique dans un univers baroque bouleversé. Délire chrono-thématique qui impose un suivi physique. Ici, du pop-art surprenant parfois pourrissant (Mickey se déforme dégueulassement). S’ensuivent des séries de meurtres, de baises colorées où le pinceau s’affirme. L’auteur apparaît aussi, son environnement s’étale devant le spectateur. Les couleurs chaudes du sud se radicalisent, l’espace se déforme : murs à moitié peints, repeints, dépeints. Des supports nouveaux surgissent, vêtements de sculptures.

Une musique attrape les jambes (des gens qui dansent dans un musée ?), elle disparaît avec l’apparition de femmes accoudées, de scènes flash et sincères. Les couleurs portent toujours le sujet, à la manière d’un riff de guitare peut-être. Subrepticement, des enceintes diffusent du jazz. Les sujets sont sexys, un carnaval anthropophage tout à fait accepté. La visite continue avec de vieux fantômes, les classiques sont omniprésents. Toulouse-Lautrec coule partout, les grands poncifs sont majestueusement enlaidis dans une réappropriation dignes d’un vandale. De grandes batailles aussi, immenses !
Dans cet environnement désacralisé, une vitre, en long, donne une vue sur une salle sombre. Un type joue de la guitare, que l’on entend. Ce doit être lui. Les yeux et les oreilles subissent les exercices de styles. Transportant. Une dernière salle. C’est une scène de concert : une estrade, des caissons, des micros, des projecteurs. Mais pas de concert, le prolifique peintre est au studio. A la place, une projection vidéo, des performances-musicales. Des décors barrés, aux teintes psychédéliques, futuristes, anarchiques, devant lesquels des personnages obsédés et obsédants exécutent des danses répétitives en chantant des textes dignes de sa peinture. Véritable hématome de cervelet, un choc assourdissant.
L’exposition est terminée.
Olivain Porry. 



Elsa TOMKOWIAK


Chapelle du Genêteil, Centre d’Art contemporain
Château-Gontier
du 04 février au 15 avril 2012
Commissaire de l’exposition: Bertrand GODOT


Comme les sœurs du couvent des Ursulines avaient dû le faire il y a longtemps de cela avant ces visiteurs d‘un soir de vernissage, je pousse la porte de cette Chapelle d‘où résonnent des discussions engagées. Peu de monde, mais tous amateurs, ou bien curieux, du travail d’Elsa Tomkowiak. En entrant, il me vient une lumière, très colorée et chaleureuse. D’un coup, d’un seul, je deviens minuscule. Je vois au-dessus de toutes ces têtes, un gigantesque “arc-en-ciel”. Comme un tourbillon qui nous ferait valser l’esprit. Comme un escalier posé à l’horizontal, nous incitant à un voyage vers l’imaginaire de l’artiste.

Cette immense salle n’est plus vide. Habitée, on la redécouvre comme à chaque nouvelle exposition. La structure imprègne le lieu dans un dialogue colorimétrique. Cet échange visuel et spatial me satisfait, dispersant l’espace, lui redonnant des formes. Mon imaginaire se réactive et les images se bousculent. Tel un monde imaginaire où les couleurs se battent entre elles, fusionnent, se reflètent et concordent avec les vitraux de la Chapelle, une réponse presque automatique et en complet accord de la proposition d’Elsa Tomkowiak.

Je fais un premier pas, m’avançant vers ces lames tranchantes qui sillonnent l‘espace du plafond au sol pavé, mais peu menaçantes par leur couleurs printanières chassant le froid hivernal du dehors. On se balade, on déambule en coordination avec ces filaments colorés, évitant soigneusement de s’y frotter. Des lames brillantes à la lumière, peut être un peu inquiétantes. De loin, cette lumière laisse transparaître la couleur, donnant un aspect irrégulier aux aplats. Alors je m’approche, intriguée et interrogative. Le masque tombe dévoilant l’illusion. On découvre la supercherie : assemblage de lanières de film plastique alimentaire et de peinture acrylique. Dans un mélange hétérogène, le support rejette la couleur. Les aplats irréguliers et éphémères, appliqués la veille ou le matin même, ne sauraient tarder à déserter la structure et à rejoindre les poussières du sol.

Je recule pour ne plus voir ces défauts peut être voulus et cherchés, mais que je trouve “repoussants”. L’installation est impressionnante, certes, mais la réalisation ne me séduit pas. Je m’éloigne, jusqu’à m’adosser au mur, pour garder uniquement le souvenir marquant de la structure épousant l’espace entier de la Chapelle, telle une toile d’araignée qui se forme dans un vide, et dressant ainsi une image picturale.

Louison Pellan


Musée de l’Abbaye Sainte Croix


Les Sables d’Olonne

Les Sables d’Olonne, il fait bon près de la plage. Alors à quoi pourrait penser un bon étudiant d’art ? Bien évidemment, il me prend une énorme envie d’aller visiter un musée.  Et comme c’est miraculeux, les Sables sont dotés d’un musée d’art contemporain : le Musée de l’Abbaye Sainte Croix. Comme son nom l’indique, le musée se situe dans un ancien monastère, un lieu sacré qui accueille l’art. Ça me plaît. Un accueil chaleureux et la gratuité pour les étudiants d’art. Enfin un musée qui prend cette initiative. Je me demande souvent pourquoi ceci n’est pas le cas partout, alors qu’en tant qu’étudiant, nous sommes les nourrissons de l’art.
 Le musée s’étend sur trois étages, avec une exposition pour chacun. En tout trois temporaires et une permanente.
François Boisrond, Marlène Mocquet, y sont exposés temporairement, tandis que Gaston Chaissac, l’artiste vedette des Sables détient à lui seul un demi-étage en exposition permanente.
Boisrond aborde un sujet plutôt drôle, il expose, entre autres, des peintures figuratives sur des accrochages dans différents musées de Paris et autres, travail qu’il a accompli tout au long de sa carrière artistique.
 Mocquet, jeune artiste diplômée et félicitée par l’ENSBA Paris,  peint des effets visuels sur des toiles des petites figurines en relief et en terre. Le musée lui offre ainsi  le dernier étage sous le toit.
L’exposition permanente étonne avec des œuvres de grands artistes comme Baselitz et Morellet. Une petite section est consacrée aux dessins et aux peintures historiques des Sables d’Olonne. On peut facilement passer une demi-journée dans ce musée qui n’est ni trop grand ni trop petit. Le parfait endroit pour tous ceux qui sont allongés sur la plage en culpabilisant parce ce qu’ils ne sont pas en train de fonder un nouveau mouvement artistique ou de faire le nécessaire pour gagner leur Turner price.

Christian Sarges


François Boisrond


 Marlène Mocquet



Le garage spatial d'Ernesto Sartori 


Espace Diderot (Rezé), jusqu’au 03/03 place Lucien Le Meut (Rezé)
- On peut monter dessus, j’crois.
- Quoi ?
- On peut monter, viens ! T’as vu, ils mettent qu’on peut pas monter à plus de 10 !
- Mmh…
- C’est disparate, un peu, non ?
- Mmh…
- Moi j’trouve. Des paillassons éparpillés, des vieilles chaussures défoncées, une…non, deux tentes… Et puis un mètre aussi, là. Bizarre.
- Non.
- Quoi ?
- Non. Y’a un lien. C’est cosmique, ça fait une sorte de cabinet de curiosité d’astronaute.
- Tu penses que c’est ce qu’il voulait faire ?
- J’sais pas. C’est ce à quoi ça me fait penser. D’en bas, déjà, mais encore plus maintenant qu’on est monté. La perception est différente, y’a comme une sorte de lévitation.
- Cosmique…Mouais.
- Si. Et il a été très pertinent dans la manière dont il a détourné tous ces éléments poussiéreux pour en faire des objets quasi-futuristes.
- Genre ?
- Tu vois le plastique là ? J’suis presque sûr que c’est un ballon gonflable, tu sais, les gros ballons en caoutchouc qui rebondissent…
- Oui
- Ben il l’a juste plié en 2 ;
- Un ready-made quoi…
- Oui mais il en fait un objet étrange et visionnaire. Et les tentes, c’est pareil. Tu mets une tente, ça fait camping ou clochard mais si tu en mets deux et les relie par leurs bases, ça fait presque un satellite… Viens, on s’assoit.
Arnaud Lemerle

Helmut Newton


Grand Palais, Paris

Du 24 mars au 17 juin
Commissariat : June Newton
Avec la collaboration de Jérôme Neutres (conseiller du Président de la réunion des musées nationaux)


Après la file d’attente habituelle du Grand Palais, nous nous retrouvons dans un espace restreint. Il y a toujours autant de monde, et ce n’est pas l’idéal pour apprécier les photographies. On est parfois attroupé dans des recoins. Les salles sont plutôt petites, les photographies sont accrochées en deux rangées. Il y en même au dessus des ouvertures. Pour voir l’extrait de Helmut by June, on a presque l’impression d’être les uns sur les autres. Le musée d’Helmut Newton à Berlin m’avait laissé une meilleure impression. J’ai trouvé que la disposition manquait de fluidité. Cependant, les diapositives d’Helmut Newton m’ont marquée par leur qualité. J’ai trouvé que l’exposition manquait d’archives, hormis quelques couvertures de magazines, on y apprend quelques anecdotes.
« Je suis très attirée par le mauvais goût, plus excitant que le prétendu bon goût qui n’est que la normalisation du regard. […] Les mouvements sado-maso, par exemple, me paraissent toujours très intéressants ; j’ai en permanence dans le coffre de ma voiture des chaînes et des menottes non pas pour moi mais pour mes photos. » Conférence de presse, Autriche, 1984
La femme newtonienne tient une des places les plus importantes de l’exposition. Elle nous est révélée comme une femme forte, séductrice, voir dominatrice. Elle semble toujours avoir le contrôle. La série Elles arrivent de 1981 est pour moi la plus révélatrice de cet état d’esprit. Leur démarche exprime une réelle détermination, le spectateur se sent ainsi troublé, presque mis à nu.  

«Sie kommen, Naked & Dressed», Helmut Newton, Paris, 1981. 


Certains clichés moins connus permettent de saisir l’ampleur du travail d’Helmut Newton, mais aussi sa vision de l’Homme en général. Chaque salle reflète un moment de sa carrière avec plus ou moins d’audace. L’exposition met bien en exergue la diversité des photographies. Sans doute dû au fait que pour Newton, une photographie de mode ne doit pas ressembler à une photographie de mode. La salle des portraits est marquante, les mises en scènes sont parfois impitoyables. Les modèles rivalisent de vanité. Les portraits sont pour la plupart en grand format, ainsi ces personnages qui semblent encore plus dérangeants et interrogateurs.
« Je photographie les gens que j’aime et que j’admire, ceux qui sont célèbres, et surtout ceux qui le sont pour de mauvaises raisons. »

«Jean-Marie Le Pen», Helmut Newton, Paris, 1997.

En 1997, Helmut Newton a notamment photographié Jean-Marie Le Pen pour le New Yorker. Ce dernier pose avec ses dobermans. Il a une main dans le collier d’un des chiens et la tête haute. Le sentiment prépondérant de ce portrait est une domination et un côté dédaigneux. Helmut Newton déclarera qu’il avait naïvement accepté de poser avec ses chiens. Cette photographie est souvent comparée à une photographie d’Hitler avec son doberman. Helmut Newton fait sans cesse ressortir le caractère prédominant de ses modèles. Il peut le magnifier comme être impitoyable avec lui.

«Fred, le taureau», Helmut Newton, Ecosse, 1995.

LOURS-RIOU Astrid








Josef Albers en Amérique


PEINTURES SUR PAPIER
Centre Pompidou
Du 8 février au 30 avril 2012

Le centre Pompidou, un jeudi soir. Le musée est ouvert en nocturne. On monte au deuxième étage, lieu bien connu de la collection permanente et de petites expositions temporaires. L'escalator s'élève doucement au-dessus de Paris.

L'exposition intitulée «Peintures sur papier » se répartit sur trois petites salles. On est au départ déçu par le format restreint des œuvres présentées. Mais on se rend vite compte que leur richesse n'en est pas moindre.

Huiles sur papier, une association originale. La matière de la peinture interagit avec sa couleur et glisse sur le papier fort. Des formes géométriques juxtaposées de couleurs parfois à peine différenciables jouent avec l'espace de la feuille. L'exposition s'organise autour de séries : le même schéma géométrique est repris plusieurs fois avec des colorations différentes. Tant de couleurs... On s'amuse à déchiffrer les notes inscrites sur les peintures au crayon à papier (les œuvres présentées sont en fait des recherches pour de futures lithographies). Parfois une touche de vernis vient s'ajouter à l'aplat de peinture, et l'opacifie.

Ces petits tableaux sont composés très simplement mais opèrent d'une manière remarquable sur la rétine : Albers réussit à créer un espace imaginaire dans l'esprit du regardeur à partir de formes planes colorées, et insère des pans dans cet espace qui perturbent la perspective. Par le biais des jeux de profondeur, on est ébloui par la couleur, leurs vibrations entre elles et leur osmose. C'est un pur moment de beauté que nous offre ici Albers, On est comme hypnotisé, on ressort en tout cas émerveillé .

Irène VIGNAUD


Hommage au carré, huile sur papier buvard, 29,5*29,6

MULTIPLES, François Morellet


Galerie arts pluriels, 4 rue Fénelon à Nantes

Du 8 février au 31 mars 2012


Lundi,
Mon regard s’arrête sur une vitrine,
Deux tableaux
Des formes géométriques, entrelacées, contrastées.
Bleu, orange. Orange, bleu,
Quelle couleur domine ?
Je suis pressée,
Je repasserai.

Mardi,
Curieuse…J’y retourne.
Je colle mes yeux à la vitre,
Je m’y attarde un peu.
Je m’y perds,
Demain.

Mercredi,
J’entre.
Une musique me vient aux oreilles,
Beaucoup de choses :
Tableaux, sculptures, dessins, peintures,
Je voulais tout voir, ne rien manquer,
Je ne savais par où commencer.

Jeudi,
Les néons se reflètent dans les tableaux,
Dégageant des lignes violettes ou bleues,
Envoûtantes.
En dessous, des peintures, des cailloux s’entassent,
De nouveau, les tableaux.
Des motifs qui se croisent laissant passer des filets de lumière.
Un jeu positif, négatif,
A droite de la pièce, le contraire.
Perturbés, mes yeux vont de l’un à l’autre,
Perdus dans un amas géométrique.

Vendredi,

Le regard s’attardant toujours sur quelques esquisses, ou objets divers,
Il se positionne finalement sur les mêmes tableaux.
Les jeux chromatiques se devinent plus facilement.
La lumière est cerclée par le cadre noir, comme emprisonnée,
Elle ne peut s’échapper, seulement varier d’intensité.
Le tableau devient matière à révéler l’espace.
Les reflets observés ne sont pas les mêmes suivant
La lumière, le jour, l’heure.
En constant changement,
Je reviendrai.


MAUBERRET Mélina







La soirée du vendredi 24 février au Centre Pompidou


Au programme : le guitariste américain Bill Orcutt et son blues déglingué, l’autrichien Christian Fennesz et l’allemand Florian Hecker pour une électro expérimentale"
On pourrait croire à l'aspect pour le moins superficiel de cette description, qu'elle est tirée du programme d'une petite salle de concert sans prétention. C'est pourtant au Centre Pompidou qu'a eu lieu l'évènement. Trop occupé à nous expliquer le pourquoi du comment de sa programmation.

Bill Orcutt est un extraordinaire improvisateur d'inspiration blues au jeu étrange et énervé pas loin du free jazz, c'est pour lui que je me rends à cette soirée.
Christian Fennesz est un des grands noms de la scène drone électronique.
Florian Hecker est un musicien important aussi bien dans la musique électronique (il a collaboré entre autres avec Aphex Twin) que dans l'art contemporain pour ses installations sonores ou encore ses collaborations avec Angela Bulloch.

J'en conclus donc que le public, comme moi, connaît et apprécie le travail d'au moins un des trois artistes, et que peu d'entre eux sont venus par hasard. Sur place la salle est pleine. Florian Hecker est chargé du premier set et ne se fait pas prier, sans qu'il ne soit présenté par personne, il entame sa prestation. Les lumières s'éteignent et des nappes sonores violentes envahissent la salle. La grande scène est vide, seulement deux hautes tours d'enceintes sur les côtés. La musique est étrange, presque moqueuse, et le volume est élevé. Très vite, des gens dans la salle râlent et demandent à ce que le volume soit baissé. Personne ne semble en tenir compte et la musique continue avec des sons de plus en plus stridents. Puis le ton monte et des insultes fusent. Au bout d'un moment il devient difficile d'écouter la musique tant le public s'agite. En fait, plus personne ne l'écoute, tout le monde chahute. Certains continuent à réclamer à la régie de baisser le son, d'autres s'indignent contre ces derniers, enfin, beaucoup s'amusent de la situation: "Plus fort! On n'entend pas bien !". L'ambiance devient insupportable jusqu'à ce qu'une personne monte sur la scène et s'assied, suivie d'une autre qui se dirige vers une tour d'enceintes, puis la renverse dans un bruit fracassant. Le staff de Beaubourg se précipite vers la scène en laissant tout de même le temps au guignol de renverser la deuxième tour. La musique se coupe net, la lumière s'allume et une scène de lutte pathétique commence entre le type, le staff et quelques personnes de l'assistance. Le tout est pitoyable, je reste assis accablé et me demande si je verrai Bill Orcutt ce soir. Une amie me demande si, comme une partie du public déjà, nous allions quitter la salle. Je ne sais pas quoi lui répondre.

Bill Orcutt sort des coulisses, en tongs avec sa guitare et tout le monde se tait et applaudit. "What da fuck?" nous demande t-il avec un air rieur bien qu'un peu perdu. On rit en essayant de ne pas avoir l'air responsable de ce qui a eu lieu. On se dit tous qu'on est vraiment un public de merde. Bill Orcutt, ne sachant quoi faire, retire ses tongs et erre sur la scène. Un employé lui fait finalement signe de retourner en coulisse. Il réapparaîtra un moment plus tard et le concert continuera normalement, tant bien que mal. Le petit vandale quand à lui aura eu à s'expliquer devant la police. Je suppose qu'il a été poursuivi mais je ne me suis pas renseigné.

Colin Thil

La belle peinture est derrière nous


Quoi de plus réjouissant qu'une exposition de peinture? Contemporaine qui plus est. Malheureusement, il est pourtant difficile de défendre l'exposition La belle peinture est derrière nous, d'une part parce qu'elle est prétentieuse: Une "exposition manifeste", au ton affirmatif, qui prétend faire un panorama d'une certaine peinture française. D'autre part, par ce qu'elle est bornée, exclusivement figurative et restreinte à l'esthétique du kitsch, du morbide.
La galeriste Eva Auber nous propose donc, dans la troisième édition d'une exposition qui a d'abord eu lieu à Istanbul puis à Ankara, des peintres qui ont choisi un retour à la figuration certes, mais alors un retour stérile, aveugle à tout enjeu simplement plastique. C'est une peinture superficielle, lourde de références éparses, qui apparaissent comme pour justifier un travail qui pour le coup n'a rien à voir avec la gratuité, et c'est bien dommage. Le propos de l'exposition est pourtant de présenter des artistes peintres attentifs à la peinture qui les a précédés. Si c'est le cas, alors ils ont pris bien soin d'ignorer l'intégralité des révolutions majeures du siècle dernier, ne serait-ce que l'impressionnisme ou les artistes de support surface, et de ne garder que les aspects les plus emmerdants de la peinture classique, soit le culte de la technique impeccable, hyperréaliste mais dans un réalisme qui n'a rien à voir avec la réalité, ou encore le symbolisme outrancier, qui n'a plus aucun dogme religieux pour se justifier.
Il y a tout de même deux ou trois pièces, qui malgré l'agencement dont elles bénéficient, posent des question de peinture, ou plutôt ouvrent à des questions de peinture aussitôt oubliées dans les toiles voisines. Parmi celles-là il y en a une de  Florence Obrecht qui figure d'ailleurs sur l'affiche de l'exposition. Il s'agit d'une grande peinture en trois couleurs noir et blanc sur un fond vert fluo qui me rappelle les peintures de l'artiste anglaise Sigrid Holmwood. La peinture représente d'une manière légère et presque maladroite une adolescente couronnée d'un chandelier avec un regard apaisé. C'est une peinture déroutante, à la fois simple et imposante, tape à l'oeil et intimiste.
Il y aussi Élodie Lesourd, et ses peintures en carrosserie pour voiture, reprenant des typographies de groupes de black métal en blanc sur fond noir dans un rendu d'une propreté presque marchande. Je retiens l'oeuvre pour le déplacement qu'elle met en jeu et pour les questions de registre qu'elle soulève.
Enfin il y a le travail de Jérome Zonder, le seul artiste de l'exposition à échapper aux problèmes de l'exposition collective en créant son propre espace. Une "peinture d'histoire" réalisée au sol sur une toile avec de l'acrylique noire, entouré de trois murs où sont tracés des motifs de brique. Au fond de cette pièce, la perspective nous envoie sur un dessin d'intérieur sur papier, sous verre, dans laquelle se reflète notre silhouette. L'ensemble crée un lieu d'une cohérence graphique étrange où l'on sent bien que des questions de dessin se travaillent. Dommage qu'encore une fois, le morbide semble fédérer l’ensemble.



Colin Thil

A living man declared dead and other chapters, Taryn Simon.


Tate Modern, London du 25 mai 2011 au 2 janvier 2012.
Ce matin, je suis entrée dans un livre.
Tu étais le héros, j’étais l’héroïne. C’est toi qui l’avais décidé. On s’inventait une histoire. Une histoire qui se construisait page après page, livre après livre. Mais ce matin, je n’ai rien inventé. Je suis bel et bien entrée dans un livre. Je veux dire, physiquement. Il était là, en face de moi. Je crois que la couverture t’aurait plu. Simple, épurée, comme tu les aimais. Une couverture qui nous ressemble. Je crois même qu’on aurait pu la construire. Avant même d’y entrer, je regrettais que tu ne sois plus là. J’allais enfin entrer dans un livre et tu n’étais pas là. Notre histoire aurait pu devenir réelle. Le livre était là, en face de nous. On aurait pu y entrer, tous les deux, main dans la main. Cela aurait été merveilleux de se retrouver enfin, main dans la main, dans un livre. Avant même d’y entrer, je regrettais de ne pas avoir eu l’idée de t’écrire ce livre. Finalement, peut-être que ce n’était pas plus mal que tu ne sois pas là. Cela m’aurait fait peur que tu entres dans un livre écrit par une autre femme. Je t’aurais tenu la main, et je t’aurais vu y entrer, le regarder, et tout d’un coup nos livres te seraient parus insignifiants. Tu aurais lâché ma main pour me montrer un détail, ou une photographie qui te plaisaient et je t’aurais senti t’éloigner. Non, je n’aurais pas pu le supporter. Je ne savais plus ce qui était le plus terrible. Peut-être le fait que j’allais entrer dans un livre, et que je ne pourrais jamais te le raconter. En entrant, je me suis rendue compte que ta présence ne m’aurait pas gênée. Ce livre ne nous ressemblait pas tant que ça finalement. Il y avait dix-huit chapitres, deux de moins que le dernier que je t’avais écrit. Et puis cela parlait de familles, de lignées, de liens sanguins, de souvenirs, de vivants et de morts. Tout ce que tu ne nous as pas laissé le temps de construire. Chaque famille laissait deviner une absence, une disparition, un abandon par une photographie vide. Mais je ne suis pas convaincue qu’il s’agissait ici d’une page à écrire. Petit à petit, je me rendais compte que cela me parlait de destin, du hasard d’une rencontre et de tout ce qu’elle entraîne. Petit à petit, je me rendais compte que j’avais mal. Ces vies, ces destins qui se croisent et qui créent des liens. Ces personnes qui disparaissent et qui ne laissent derrière elles qu’une page blanche. En arrivant devant le dernier chapitre, elle était là. Cette femme dont j’avais si peur au début. Cette femme à qui je n’avais maintenant qu’envie de demander d’écrire un dernier chapitre. Notre chapitre. Construire, imaginer, inventer ce qui aurait pu être notre lignée. La rendre réelle, elle aussi. Un dix-neuvième chapitre qui aurait été le nôtre. Et puis, quelque chose de tragique s’est produit. Un homme s’est avancé pour lui poser une question. Il voulait savoir si elle avait pris la peine, à chaque fois qu’une personne était absente, décédée, ou disparue de prendre en photographie son absence. Ou bien, est ce qu’elle avait tout simplement réutilisé la même photographie pour représenter chacune de ces personnes. Elle a répondu qu’elle avait pris le temps de le faire au début, mais que très vite elle avait arrêté pour reprendre la même, par « flemme ». Cela en a fait rire plus d’un. Mais moi, j’ai été terriblement déçue. J’ai pensé à ta main qui aurait pu tenir la mienne et je suis partie, laissant dernière moi un livre que nous n’aurions jamais pu écrire.
Aurélie Poux

A living man declared dead and other chapters. 

Taryn Simon at Tate Modern
© Eleanor Famer

Excerpt from Chapter I. Image Courtesy of the Artist and Gagosian Gallery 

Pour plus d’informations sur cette exposition: http://www.tate.org.uk/modern/exhibitions/tarynsimon/default.shtm







DEPLACER LES BORNES


Exposition de Julien Nédélec à la Zoo galerie,
Du 22 mars au 28 avril 2012


Objet : toi qui croyais qu’on finirait tous serveurs

Salut Romane ,
Comment ça va, tu en es où dans tes répétitions ?
Je t’envoie mon mail de la semaine pour te raconter une exposition cette fois-ci. Et s’il te plait : un « ancien » des Beaux –arts !
C’était à la ZOO galerie. Drôle de nom, surtout qu’en guise d’animaux, c’est un énorme chat qui accueille et exige des caresses de chaque arrivant.
Donc, tu rentres dans le hall d’un immeuble, tu traverses le jardin (caresse au chat), et tu arrives dans le lieu. L’exposition s’appelle « Déplacer les bornes », de Julien Nédélec. Au début quand je suis rentrée je me suis dit qu’il les dépassait bien les bornes. Et puis tu sais au final j’aime les jeux de mots. C’était un jeu graphique, un jeu de mots et de formes.
Je t’explique :
Tu as deux pièces. La première avec trois photos disposées au sol. Ce sont des impressions couleur sur Dibbon laqué (tu chercheras ce que c’est). Trois images à plat représentant trois formes : un cube noir, une pyramide bleue, un cercle jaune. Ces formes sont chacune légèrement dédoublées, comme des sortes d’objets siamois. Bon. Au fond de cet espace-là il y a également une quatrième image : c’est une photographie d’un test de Rorschach. Je n’y vois rien de particulier, je n’aime pas trop ce genre de test. Et puis je ne pense pas que ce soit ce qu’il veut.
Ensuite tu comprends qu’une cimaise sépare ces images de l’espace numéro deux. Comme une ligne de symétrie magique. C’est un deuxième temps qui semble être l’origine de la photo. Comme l’état initial de ces formes qui a généré l’idée de l’exposition. Ce sont les mêmes, qui d’un coup ont pris du volume, ce sont les sculptures. Et toujours le test de Rorschach au mur. Mais pas une image cette fois. Celui-ci c’est l’original, le « vrai ». T’as pas envie de te demander ce que tu vois dans ces tâches, mais bien « qu’est-ce que tu vois entre ces deux pièces ? »
Parce que tu as vraiment l’impression de palper le moment entre l’objet et sa photographie, son image, l’intervalle entre l’exposition et sa documentation. Tu vois le temps arrêté. Tu te perds, tu cogites : l’exposition exposée par ses images, l’exposition exposée par elle-même… ? Tu vois la logique ?
Moi j’ai trouvé ça très fort. Très fort en seulement huit coups. Plier un papier obtenir une symétrie particulière et inégale qui te demande ce qu’il se passe en fait dans une expo. Ce que tu vois. Il interroge directement ce que tu es en train de regarder, là, à l’instant.
Voilà Romane, une des choses que j’ai vues cette semaine. Une des choses sur lesquelles on peut par exemple s’interroger aujourd’hui, quand on sort des Beaux-arts.
Je t’embrasse, j’attends ton mail avec impatience. Dis-moi vite quand tu fais ton prochain concert.
A très bientôt,
Hannah.


Entrelacs - Ai Weiwei


Jeu de Paume, Paris
du 21 février au 29 avril 2012

Pour moi, Ai Weiwei est avant tout un sculpteur, un maître de la porcelaine et de la céramique, un architecte, un paysagiste, un designer, un activiste aussi.
Passée la déception de ne pas assister à une expo comprenant ses sculptures mais bel et bien à une rétrospective photographique on se dit que ce médium ayant toujours été au cœur de sa pratique, Entrelacs devrait aider à comprendre qui il est.

L'exposition procède d'un cheminement chronologique : de ses premières années à New York alors qu'il était encore étudiant, à ses toutes dernières déclarations postées sur son blog.
A New York on peut le voir en compagnie de sa « bande  de potes » dans des lieux on ne peut plus banals, souvent des intérieurs. On a du mal à saisir ce qu'il fait vraiment là-bas à part prendre des photos...cette documentation de son cercle très proche et non de la ville et de ses habitants comme on pourrait s'y attendre fait presque sourire le spectateur qui connait lui les difficultés que l'artiste a à quitter de nouveau la Chine.

L'utilisation de la photographie par Ai Weiwei est presque documentaire, notamment depuis qu'il s'est fait le porte parole de la liberté d'expression en Chine. Nombre de ses actions ne sont documentées que via la photo. Par exemple lorsqu'on lui a demandé de construire un centre culturel et artistique de la jeunesse et qu'on l'a détruit le lendemain de son inauguration dans le seul but de maintenir l'artiste en Chine durant deux ans, l'artiste expose deux photos de la construction et deux photos de la destruction.


Dropping a Han Dynasty urn - 1995-3 photos, 148x121cm each

Ce fut un réel plaisir de pouvoir admirer les originales et impressionnantes photos de la série Dropping a Han dynasty urn. Il y a là une plasticité indéniable dans le geste, ainsi que dans le traitement de la photo en elle même. Même si lourde de sens, l'action est toute somme minimale et il fallait selon moi ces tirages en grand format pour la mettre en valeur, l'imposer aux yeux de tous en quelque sorte. Certains diront que les grands tirages fonctionnent tout le temps et qu'il est facile d'impressionner avec...Néanmoins ce geste emblématique de la recherche d'Ai Weiwei nécessitait d'être montré en grand. Les trois photos imposent une telle présence dans l'espace de l'exposition qu'on est obligé de les regarder un certain temps et ainsi, de s'imprégner des questions fondamentales auquel l'artiste s'attaque : à savoir la lutte contre toute forme de modèle établi, et la préservation (ou non ?) des valeurs historiques à une époque où la société chinoise connaît des bouleversements sans précédent.


Ai Weiwei a mis un certain temps à comprendre que c'était de la Chine qu'il voulait et devait parler.
Dans Study of perspective on a le sentiment qu'il extrapole ses problèmes personnels avec la Chine (son enfance et la vie de son père) pour finalement questionner toute forme de respect envers un modèle ou une puissance historiquement établie et ce quelque soit son appartenance culturelle (Tour Eiffel, Maison blanche etc). Le caractère généreux de cette pièce tranche avec le reste et c'est à ce ce moment précis qu'on se dit : « En fait c'est un peu ce qu'il manque à son travail dans l'ensemble : un désir de généralité.. ».
Après réflexion il est peut être mieux qu'il traite de ce qui le touche directement, de ce qu'il connaît.
En effet il se dégage au final une grande maturité de son travail du fait que bien qu'il soit potentiellement capable de tout (plastiquement) et ne pose pas de limite, il sait où il se situe artistiquement et socialement. Alors lorsque nombre de ses travaux/actions convergent dans le même sens on ne peut qu'être admiratif du mélange total qu'il opère entre son art et sa vie. Les actions qu'il entreprend lui prennent souvent énormément de temps (exemple : faire le travail de la police pour retrouver le nom des enfants morts dans les écoles du Sichuan après le tremblement de terre de 2008) et les photos prises par lui-même sur lesquelles on le voit entouré de policiers ou à l'hôpital après une réprimande sont autant des fragments de sa vie personnelle que des témoignages surpuissants de son action artistique en Chine.
C'est en cela que la photographie est réellement liée a là vie de cet homme et qu'une exposition selon ce médium fut une idée judicieuse et un pari réussi.

Adrien Noelle


Photographie/action menée à distance en collaboration avec Anish Kapoor. Samedi 18 juin 2011


Le ballet mécanique



Musée Jean Tinguely, Bâle

Collection permanente

  Ça a commencé comme ça, le soleil qui tapait sur le métal, un couinement de matériaux et le bruit de l’eau. La porte traversée ça a continué…un avion suspendu au plafond se cambrait face à trois lustres. Des « brics et des brocs », des cliquetis de ferraille, des ronrons de moteurs…me voilà embarquée dans une véritable poésie mécanique, une sorte de ballet de l’étrange avec pour première danseuse des roues. Et ça turbine sous le ronron des moteurs ! Alors je suis là, et j’ai retrouvé mes quatre ans, d’ailleurs tout le monde semble avoir retrouvé ses quatre ans… une jouissance phénoménale s’empare de nous lorsque nos pieds actionnent les mécanismes et la joie de découvrir comment la pièce va se dérouler. Alors on grimpe dans la machine, on se penche, on se baisse, on touche à tout ! Voilà, Tinguely c’est ça ! C’est comme plonger avec des yeux de marmot dans un manège géant ! C’est ça… mais pas seulement… parfois des endroits plus sombres, plus froids, des mécanismes ornés de squelettes d’animaux nous rappellent notre âge, nous privent de barbe-à-papa un instant et nous avertissent que le temps passe, que sous les couleurs chatoyantes on trouve souvent de l’ironie. Tout nous ramène à notre propre condition, à nos répétitions de mouvements inutiles, à notre façon de bien souvent tourner en rond… puis très vite on revient vers des pièces plus souriantes mais toujours piquantes d’ironie. Je chantonne « la complainte du progrès » (Boris Vian) en me retrouvant devant une perceuse-plumeau qui me chatouille les yeux en remuant des plumes…
Alors voilà tout est là : une symphonie de couleurs, de grincements, de provoc. , de jeu, de conscience et de dérision… Tinguely c’est le grand enfant qui a remplacé la petite voiture par une Déesse en pièce détachée, dans laquelle il a accroché la poésie d’un gamin devenu conscient de ce qui se passe autour et qui compte bien s’en amuser !

Morin Alexane





Grosse Méta Maxi-maxi Utopia (1987)

Hannibal (1967)


Le safari de la mort moscovite (1989)



Miostar No. 1 et 2 (1974)