Quoi de plus réjouissant qu'une
exposition de peinture? Contemporaine qui plus est. Malheureusement,
il est pourtant difficile de défendre l'exposition La
belle peinture est derrière nous,
d'une part parce qu'elle est prétentieuse: Une "exposition
manifeste", au ton affirmatif, qui prétend faire un panorama
d'une certaine peinture française. D'autre part, par ce qu'elle est
bornée, exclusivement figurative et restreinte à l'esthétique du
kitsch, du morbide.
La galeriste Eva Auber nous
propose donc, dans la troisième édition d'une exposition qui a
d'abord eu lieu à Istanbul puis à Ankara, des peintres qui ont
choisi un retour à la figuration certes, mais alors un retour
stérile, aveugle à tout enjeu simplement plastique. C'est une
peinture superficielle, lourde de références éparses, qui
apparaissent comme pour justifier un travail qui pour le coup n'a
rien à voir avec la gratuité, et c'est bien dommage. Le propos de
l'exposition est pourtant de présenter des artistes peintres
attentifs à la peinture qui les a précédés. Si c'est le cas,
alors ils ont pris bien soin d'ignorer l'intégralité des
révolutions majeures du siècle dernier, ne serait-ce que
l'impressionnisme ou les artistes de support surface, et de ne garder
que les aspects les plus emmerdants de la peinture classique, soit le
culte de la technique impeccable, hyperréaliste mais dans un
réalisme qui n'a rien à voir avec la réalité, ou encore le
symbolisme outrancier, qui n'a plus aucun dogme religieux pour se
justifier.
Il
y a tout de même deux ou trois pièces, qui malgré l'agencement
dont elles bénéficient, posent des question de peinture, ou plutôt
ouvrent à des questions de peinture aussitôt oubliées dans les
toiles voisines. Parmi celles-là il y en a une de Florence
Obrecht qui figure d'ailleurs sur l'affiche de l'exposition. Il
s'agit d'une grande peinture en trois couleurs noir et blanc sur un
fond vert fluo qui me rappelle les peintures de l'artiste anglaise
Sigrid Holmwood. La peinture représente d'une manière légère et
presque maladroite une adolescente couronnée d'un chandelier avec un
regard apaisé. C'est une peinture déroutante, à la fois simple et
imposante, tape à l'oeil et intimiste.
Il
y aussi Élodie Lesourd, et ses peintures en carrosserie pour
voiture, reprenant des typographies de groupes de black métal en
blanc sur fond noir dans un rendu d'une propreté presque marchande.
Je retiens l'oeuvre pour le déplacement qu'elle met en jeu et pour
les questions de registre qu'elle soulève.
Enfin
il y a le travail de Jérome Zonder, le seul artiste de l'exposition
à échapper aux problèmes de l'exposition collective en créant son
propre espace. Une "peinture d'histoire" réalisée au sol
sur une toile avec de l'acrylique noire, entouré de trois murs où
sont tracés des motifs de brique. Au fond de cette pièce, la
perspective nous envoie sur un dessin d'intérieur sur papier, sous
verre, dans laquelle se reflète notre silhouette. L'ensemble crée
un lieu d'une cohérence graphique étrange où l'on sent bien que
des questions de dessin se travaillent. Dommage qu'encore une fois,
le morbide semble fédérer l’ensemble.
Colin
Thil
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