mercredi 9 mai 2012

La belle peinture est derrière nous


Quoi de plus réjouissant qu'une exposition de peinture? Contemporaine qui plus est. Malheureusement, il est pourtant difficile de défendre l'exposition La belle peinture est derrière nous, d'une part parce qu'elle est prétentieuse: Une "exposition manifeste", au ton affirmatif, qui prétend faire un panorama d'une certaine peinture française. D'autre part, par ce qu'elle est bornée, exclusivement figurative et restreinte à l'esthétique du kitsch, du morbide.
La galeriste Eva Auber nous propose donc, dans la troisième édition d'une exposition qui a d'abord eu lieu à Istanbul puis à Ankara, des peintres qui ont choisi un retour à la figuration certes, mais alors un retour stérile, aveugle à tout enjeu simplement plastique. C'est une peinture superficielle, lourde de références éparses, qui apparaissent comme pour justifier un travail qui pour le coup n'a rien à voir avec la gratuité, et c'est bien dommage. Le propos de l'exposition est pourtant de présenter des artistes peintres attentifs à la peinture qui les a précédés. Si c'est le cas, alors ils ont pris bien soin d'ignorer l'intégralité des révolutions majeures du siècle dernier, ne serait-ce que l'impressionnisme ou les artistes de support surface, et de ne garder que les aspects les plus emmerdants de la peinture classique, soit le culte de la technique impeccable, hyperréaliste mais dans un réalisme qui n'a rien à voir avec la réalité, ou encore le symbolisme outrancier, qui n'a plus aucun dogme religieux pour se justifier.
Il y a tout de même deux ou trois pièces, qui malgré l'agencement dont elles bénéficient, posent des question de peinture, ou plutôt ouvrent à des questions de peinture aussitôt oubliées dans les toiles voisines. Parmi celles-là il y en a une de  Florence Obrecht qui figure d'ailleurs sur l'affiche de l'exposition. Il s'agit d'une grande peinture en trois couleurs noir et blanc sur un fond vert fluo qui me rappelle les peintures de l'artiste anglaise Sigrid Holmwood. La peinture représente d'une manière légère et presque maladroite une adolescente couronnée d'un chandelier avec un regard apaisé. C'est une peinture déroutante, à la fois simple et imposante, tape à l'oeil et intimiste.
Il y aussi Élodie Lesourd, et ses peintures en carrosserie pour voiture, reprenant des typographies de groupes de black métal en blanc sur fond noir dans un rendu d'une propreté presque marchande. Je retiens l'oeuvre pour le déplacement qu'elle met en jeu et pour les questions de registre qu'elle soulève.
Enfin il y a le travail de Jérome Zonder, le seul artiste de l'exposition à échapper aux problèmes de l'exposition collective en créant son propre espace. Une "peinture d'histoire" réalisée au sol sur une toile avec de l'acrylique noire, entouré de trois murs où sont tracés des motifs de brique. Au fond de cette pièce, la perspective nous envoie sur un dessin d'intérieur sur papier, sous verre, dans laquelle se reflète notre silhouette. L'ensemble crée un lieu d'une cohérence graphique étrange où l'on sent bien que des questions de dessin se travaillent. Dommage qu'encore une fois, le morbide semble fédérer l’ensemble.



Colin Thil

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