mercredi 9 mai 2012

Takesada Matsutani, « Des années 60 à nos jours »


Galerie Richard, 3 impasse Saint Claude. 75003 Paris
Du 17 mars au 5 mai 2012.


Quelques pas dans la galerie et nous entrons dans un espace en noir et blanc. Le sol est blanc, les murs sont blancs, même la fille de l’accueil semble avoir été privée de couleur. La première chose qui nous appelle, sur la droite de la première salle, est ce dessin à la mine de plomb de 10,20 mètres de large par 3 m de haut réalisé lors d’une performance en 1983. Un dessin intriguant, traduisant une sorte de recouvrement... Puis nos yeux se tournent vers les peintures de l’exposition. Plus petites que le dessin précédent mais fortes en matières. De différentes tailles, elles sont toutes traitées avec les mêmes matériaux : la colle vinylique et la mine de plomb.
En entrant dans la deuxième salle nous découvrons d’autres toiles, toujours les mêmes techniques, avec d’autres dispositifs, jouant avec les limites de la sculpture, nous retrouvons toujours la ligne directrice du travail de Takesada Matsunati. Et nous nous retrouvons parmi toutes ces peintures noires et blanches face à deux toiles blanches, rouges et bleues... Les choix de couleurs et de compositions m’intriguent encore mais la technique employée me rend légèrement jaloux... Je m’imagine plein de choses... La technique de l’artiste lui permet de gonfler la colle comme une sorte de ballon, mais comment fige t’il sa colle pour qu’elle garde autant de volume ? Il donne à sa toile un relief bombé rappelant formes féminines, formes organiques de la nature ainsi que cette idée de recouvrement. Du noir sur le blanc, d’une matière sur une autre, nous rappelant son rattachement au groupe d’art japonais Gutai déclarant dans leur manifeste « l’art Gutai ne change pas le matériau mais il lui donne vie. »
Parfois calmes, parfois mouvementées, les toiles de Matsutani me paraissent être des zones intemporelles...

Pour avoir d’avantages d’informations sur l’exposition vous pouvez visiter le site de la galerie Richard www.galerierichard.com

Pouillet Pierre

 « Stream 10 », 1983     

« La propagation », 1968

  
   « Sphère-83 », 1983.





Trois arbres et une méditation : 1820 blossom place


Farhad Ostovani

Exposition du 9 au 17 mars 2012
Atelier Michael Woolworth
Place de la bastille 2, rue de la roquette Cour Février. Paris


Balade de Janvier à Juin sous un ciel bleu du mois de Mars. Direction Février. J'entre.
Par une petite porte je pénètre dans une petite pièce aux murs blancs éclairés par une de ces vieilles devantures vitrées propre aux faubourgs parisiens. Aux murs quelques estampes, sur une table des livres et des gravures…
Farhad Ostovani expose.
Par l’ouverture d’un petit couloir parviennent des bruits et une certaine agitation inattendue dans une exposition de gravure. Et de fait j’aperçois des gros rouleaux de lithographie accrochés sur un mur sali et derrière d’énormes presses taille douce et litho sur lesquelles s’affairent trois ou quatre personnes. Comme aspirée par les odeurs d’encres et les bruits de froissements de papiers je me risque à passer un pied par l’ouverture - « Entrez, entrez … » - aussitôt repérée, je suis invitée à pénétrer à l’intérieur de l’atelier par le maître de maison, Michael Woolworth.
Je m’avance doucement, l’endroit est magique. Je ne suis plus comme je le croyais dans une simple exposition de gravures mais au cœur de l’atelier même où ces dernières ont été créées. L’espace est séparé en deux, une partie où sont installés les presses, les bacs d’acides, les buvards pour faire sécher les estampes, une machine à insoler pour la photogravure, les rouleaux, les encres et de l’autre, sous une verrière d’où pénètre la lumière un espace de travail avec quelques tables sur lesquelles sont installées des pierres lithographiques. Un sentiment extrêmement fort se dégage de cet endroit, comme l’impression d’être au sein du ventre de la création même comme si les gravures accrochées aux murs venaient de passer sous presse. L’aller-retour entre l’accrochage et les machines, les gestes de l’artiste, ceux de l’artisan, et le résultat qui se retrouve fixé au mur est constant. Les corps s’agitent et j’observe la dextérité avec laquelle les encres sont étalées sur les plans d’encrage, les coups de rouleau sont donnés avec force, les papiers sont manipulés avec minutie et un respect presque religieux. Tout ici donne à voir le rapport entre la technique et la création pure, entre l’idée et le geste, entre l’homme, la machine et la feuille. Il n’existe pas de cloisonnement entre la façon de faire et l’objet fini. C’est presque une définition de l’art qui est donnée par cette démonstration et ce dialogue perpétuel. Le lieu d’exposition n’est plus un simple cube aux murs blancs sur lesquels s’accrochent des œuvres mais un véritable espace de vie et de création en mouvement et en regard.
Au mur, sous la verrière, d’autres estampes de Farhad Ostovani sont accrochées. Un travail de lithographie et de photogravures autour de végétaux, feuilles ou arbres parfois trop réalistes ou trop classiques à mon goût. 

Lion Prune

"Lemon three", 2010. Lithography and photogravure on Japanese paper. 85x65 cm. 

"Magniolia" 2009. lithography and photogravure on Japanese paper. 95x120 cm. Farhad Ostovani


   

Robert Combas. Greatest hits


Au Musée d’art contemporain de Lyon.
Du 24 Février au 15 Juillet 2012.

Robert Combas dans cet énorme musée qu’est le MAC de Lyon ! Lorsqu’on connaît le travail de ce dernier, on ne peut que s’attendre à une véritable explosion visuelle. C’est véritablement une explosion des sens qui s’opère ! Une petite salle, aux murs recouverts de papiers peints, c’est le départ. Des textes accompagnent les tableaux, poésies pseudo-descriptives ou rêveries réveillées. Le style Combas est là, clairement !
De grands formats aux couleurs hallucinantes, des planches de B.D fauvistes, de la peinture hurlante. Les plus grands hits ! Ça c’est du rock, des personnages bizarres, des signatures poilues, de l’humour ultra-violent. Et tout s’enchaîne ainsi, dans l’immense dédale d’un foutoir mathématique. C’est un voyage complètement psychédélique dans un univers baroque bouleversé. Délire chrono-thématique qui impose un suivi physique. Ici, du pop-art surprenant parfois pourrissant (Mickey se déforme dégueulassement). S’ensuivent des séries de meurtres, de baises colorées où le pinceau s’affirme. L’auteur apparaît aussi, son environnement s’étale devant le spectateur. Les couleurs chaudes du sud se radicalisent, l’espace se déforme : murs à moitié peints, repeints, dépeints. Des supports nouveaux surgissent, vêtements de sculptures.

Une musique attrape les jambes (des gens qui dansent dans un musée ?), elle disparaît avec l’apparition de femmes accoudées, de scènes flash et sincères. Les couleurs portent toujours le sujet, à la manière d’un riff de guitare peut-être. Subrepticement, des enceintes diffusent du jazz. Les sujets sont sexys, un carnaval anthropophage tout à fait accepté. La visite continue avec de vieux fantômes, les classiques sont omniprésents. Toulouse-Lautrec coule partout, les grands poncifs sont majestueusement enlaidis dans une réappropriation dignes d’un vandale. De grandes batailles aussi, immenses !
Dans cet environnement désacralisé, une vitre, en long, donne une vue sur une salle sombre. Un type joue de la guitare, que l’on entend. Ce doit être lui. Les yeux et les oreilles subissent les exercices de styles. Transportant. Une dernière salle. C’est une scène de concert : une estrade, des caissons, des micros, des projecteurs. Mais pas de concert, le prolifique peintre est au studio. A la place, une projection vidéo, des performances-musicales. Des décors barrés, aux teintes psychédéliques, futuristes, anarchiques, devant lesquels des personnages obsédés et obsédants exécutent des danses répétitives en chantant des textes dignes de sa peinture. Véritable hématome de cervelet, un choc assourdissant.
L’exposition est terminée.
Olivain Porry. 



Elsa TOMKOWIAK


Chapelle du Genêteil, Centre d’Art contemporain
Château-Gontier
du 04 février au 15 avril 2012
Commissaire de l’exposition: Bertrand GODOT


Comme les sœurs du couvent des Ursulines avaient dû le faire il y a longtemps de cela avant ces visiteurs d‘un soir de vernissage, je pousse la porte de cette Chapelle d‘où résonnent des discussions engagées. Peu de monde, mais tous amateurs, ou bien curieux, du travail d’Elsa Tomkowiak. En entrant, il me vient une lumière, très colorée et chaleureuse. D’un coup, d’un seul, je deviens minuscule. Je vois au-dessus de toutes ces têtes, un gigantesque “arc-en-ciel”. Comme un tourbillon qui nous ferait valser l’esprit. Comme un escalier posé à l’horizontal, nous incitant à un voyage vers l’imaginaire de l’artiste.

Cette immense salle n’est plus vide. Habitée, on la redécouvre comme à chaque nouvelle exposition. La structure imprègne le lieu dans un dialogue colorimétrique. Cet échange visuel et spatial me satisfait, dispersant l’espace, lui redonnant des formes. Mon imaginaire se réactive et les images se bousculent. Tel un monde imaginaire où les couleurs se battent entre elles, fusionnent, se reflètent et concordent avec les vitraux de la Chapelle, une réponse presque automatique et en complet accord de la proposition d’Elsa Tomkowiak.

Je fais un premier pas, m’avançant vers ces lames tranchantes qui sillonnent l‘espace du plafond au sol pavé, mais peu menaçantes par leur couleurs printanières chassant le froid hivernal du dehors. On se balade, on déambule en coordination avec ces filaments colorés, évitant soigneusement de s’y frotter. Des lames brillantes à la lumière, peut être un peu inquiétantes. De loin, cette lumière laisse transparaître la couleur, donnant un aspect irrégulier aux aplats. Alors je m’approche, intriguée et interrogative. Le masque tombe dévoilant l’illusion. On découvre la supercherie : assemblage de lanières de film plastique alimentaire et de peinture acrylique. Dans un mélange hétérogène, le support rejette la couleur. Les aplats irréguliers et éphémères, appliqués la veille ou le matin même, ne sauraient tarder à déserter la structure et à rejoindre les poussières du sol.

Je recule pour ne plus voir ces défauts peut être voulus et cherchés, mais que je trouve “repoussants”. L’installation est impressionnante, certes, mais la réalisation ne me séduit pas. Je m’éloigne, jusqu’à m’adosser au mur, pour garder uniquement le souvenir marquant de la structure épousant l’espace entier de la Chapelle, telle une toile d’araignée qui se forme dans un vide, et dressant ainsi une image picturale.

Louison Pellan


Musée de l’Abbaye Sainte Croix


Les Sables d’Olonne

Les Sables d’Olonne, il fait bon près de la plage. Alors à quoi pourrait penser un bon étudiant d’art ? Bien évidemment, il me prend une énorme envie d’aller visiter un musée.  Et comme c’est miraculeux, les Sables sont dotés d’un musée d’art contemporain : le Musée de l’Abbaye Sainte Croix. Comme son nom l’indique, le musée se situe dans un ancien monastère, un lieu sacré qui accueille l’art. Ça me plaît. Un accueil chaleureux et la gratuité pour les étudiants d’art. Enfin un musée qui prend cette initiative. Je me demande souvent pourquoi ceci n’est pas le cas partout, alors qu’en tant qu’étudiant, nous sommes les nourrissons de l’art.
 Le musée s’étend sur trois étages, avec une exposition pour chacun. En tout trois temporaires et une permanente.
François Boisrond, Marlène Mocquet, y sont exposés temporairement, tandis que Gaston Chaissac, l’artiste vedette des Sables détient à lui seul un demi-étage en exposition permanente.
Boisrond aborde un sujet plutôt drôle, il expose, entre autres, des peintures figuratives sur des accrochages dans différents musées de Paris et autres, travail qu’il a accompli tout au long de sa carrière artistique.
 Mocquet, jeune artiste diplômée et félicitée par l’ENSBA Paris,  peint des effets visuels sur des toiles des petites figurines en relief et en terre. Le musée lui offre ainsi  le dernier étage sous le toit.
L’exposition permanente étonne avec des œuvres de grands artistes comme Baselitz et Morellet. Une petite section est consacrée aux dessins et aux peintures historiques des Sables d’Olonne. On peut facilement passer une demi-journée dans ce musée qui n’est ni trop grand ni trop petit. Le parfait endroit pour tous ceux qui sont allongés sur la plage en culpabilisant parce ce qu’ils ne sont pas en train de fonder un nouveau mouvement artistique ou de faire le nécessaire pour gagner leur Turner price.

Christian Sarges


François Boisrond


 Marlène Mocquet



Le garage spatial d'Ernesto Sartori 


Espace Diderot (Rezé), jusqu’au 03/03 place Lucien Le Meut (Rezé)
- On peut monter dessus, j’crois.
- Quoi ?
- On peut monter, viens ! T’as vu, ils mettent qu’on peut pas monter à plus de 10 !
- Mmh…
- C’est disparate, un peu, non ?
- Mmh…
- Moi j’trouve. Des paillassons éparpillés, des vieilles chaussures défoncées, une…non, deux tentes… Et puis un mètre aussi, là. Bizarre.
- Non.
- Quoi ?
- Non. Y’a un lien. C’est cosmique, ça fait une sorte de cabinet de curiosité d’astronaute.
- Tu penses que c’est ce qu’il voulait faire ?
- J’sais pas. C’est ce à quoi ça me fait penser. D’en bas, déjà, mais encore plus maintenant qu’on est monté. La perception est différente, y’a comme une sorte de lévitation.
- Cosmique…Mouais.
- Si. Et il a été très pertinent dans la manière dont il a détourné tous ces éléments poussiéreux pour en faire des objets quasi-futuristes.
- Genre ?
- Tu vois le plastique là ? J’suis presque sûr que c’est un ballon gonflable, tu sais, les gros ballons en caoutchouc qui rebondissent…
- Oui
- Ben il l’a juste plié en 2 ;
- Un ready-made quoi…
- Oui mais il en fait un objet étrange et visionnaire. Et les tentes, c’est pareil. Tu mets une tente, ça fait camping ou clochard mais si tu en mets deux et les relie par leurs bases, ça fait presque un satellite… Viens, on s’assoit.
Arnaud Lemerle

Helmut Newton


Grand Palais, Paris

Du 24 mars au 17 juin
Commissariat : June Newton
Avec la collaboration de Jérôme Neutres (conseiller du Président de la réunion des musées nationaux)


Après la file d’attente habituelle du Grand Palais, nous nous retrouvons dans un espace restreint. Il y a toujours autant de monde, et ce n’est pas l’idéal pour apprécier les photographies. On est parfois attroupé dans des recoins. Les salles sont plutôt petites, les photographies sont accrochées en deux rangées. Il y en même au dessus des ouvertures. Pour voir l’extrait de Helmut by June, on a presque l’impression d’être les uns sur les autres. Le musée d’Helmut Newton à Berlin m’avait laissé une meilleure impression. J’ai trouvé que la disposition manquait de fluidité. Cependant, les diapositives d’Helmut Newton m’ont marquée par leur qualité. J’ai trouvé que l’exposition manquait d’archives, hormis quelques couvertures de magazines, on y apprend quelques anecdotes.
« Je suis très attirée par le mauvais goût, plus excitant que le prétendu bon goût qui n’est que la normalisation du regard. […] Les mouvements sado-maso, par exemple, me paraissent toujours très intéressants ; j’ai en permanence dans le coffre de ma voiture des chaînes et des menottes non pas pour moi mais pour mes photos. » Conférence de presse, Autriche, 1984
La femme newtonienne tient une des places les plus importantes de l’exposition. Elle nous est révélée comme une femme forte, séductrice, voir dominatrice. Elle semble toujours avoir le contrôle. La série Elles arrivent de 1981 est pour moi la plus révélatrice de cet état d’esprit. Leur démarche exprime une réelle détermination, le spectateur se sent ainsi troublé, presque mis à nu.  

«Sie kommen, Naked & Dressed», Helmut Newton, Paris, 1981. 


Certains clichés moins connus permettent de saisir l’ampleur du travail d’Helmut Newton, mais aussi sa vision de l’Homme en général. Chaque salle reflète un moment de sa carrière avec plus ou moins d’audace. L’exposition met bien en exergue la diversité des photographies. Sans doute dû au fait que pour Newton, une photographie de mode ne doit pas ressembler à une photographie de mode. La salle des portraits est marquante, les mises en scènes sont parfois impitoyables. Les modèles rivalisent de vanité. Les portraits sont pour la plupart en grand format, ainsi ces personnages qui semblent encore plus dérangeants et interrogateurs.
« Je photographie les gens que j’aime et que j’admire, ceux qui sont célèbres, et surtout ceux qui le sont pour de mauvaises raisons. »

«Jean-Marie Le Pen», Helmut Newton, Paris, 1997.

En 1997, Helmut Newton a notamment photographié Jean-Marie Le Pen pour le New Yorker. Ce dernier pose avec ses dobermans. Il a une main dans le collier d’un des chiens et la tête haute. Le sentiment prépondérant de ce portrait est une domination et un côté dédaigneux. Helmut Newton déclarera qu’il avait naïvement accepté de poser avec ses chiens. Cette photographie est souvent comparée à une photographie d’Hitler avec son doberman. Helmut Newton fait sans cesse ressortir le caractère prédominant de ses modèles. Il peut le magnifier comme être impitoyable avec lui.

«Fred, le taureau», Helmut Newton, Ecosse, 1995.

LOURS-RIOU Astrid