vendredi 2 mars 2012

TRUCE




Truce, Stratégies for Post-Apolcalyptic Computation de Robin Meyer et Ali Momeni,
Clôture de l’exposition « Inquiétantes étrangetés ».
La Chapelle de l’Oratoire, Nantes
Dimanche 15 janvier 2012



Dans une pièce lugubre de la Chapelle de l'Oratoire, on entre. Une odeur âcre nous envahit. Un son strident jaillit. Sombre, triste, monastique, (autant d'adjectifs qui peuvent sembler péjoratifs pour qualifier la pièce.) Trois petites projections sont sur le mur. Que nous apportent-elles? Sceptique quant au choix de ce medium ponctué de façon maladroite et lourde dans un espace sombre, glauque et, difficilement visibles car mal éclairées, on peine à distinguer ce que cela représente. Il y a un léger étouffement de cette surabondance d'austère : comme une mise en scène d'un bas-fond underground des sous-sols américains.
Il y a pourtant un engouement des « regardeurs » : une petite masse de personnes se presse autour de la projection. On s'approche alors. On plisse les yeux. Ha oui, des insectes. Le lien avec le bruit est plus probant. Ce bruit que l'on avait déjà oublié. On reconnaît alors plus distinctement le bruit irrégulier des insectes, ce bruit tant haït durant les longues nuits d'été. Un bruit ? Oui, à la première écoute, on appelle ça « bruit ». Accompagné de basse, un chant ethnique, on nous apprend que c'est un chant indien. La pièce semble alors moins sombre.
On s'approche encore un peu plus. Trois petits dispositifs cinématographiques (micro, caméra avec micro, lampe et petit micro) sont posés à hauteur d'enfant devant chaque projection. Difficilement accessible pour l'adulte : se pencher les bras chargés de tous les encombrements d'une journée. On prend son temps pour regarder.
Avec minutie on voit un petit moustique. On comprend : c'est la projection.
On place son doigt sous le moustique, il chantonne, il s'accroche à votre doigt, on le retire : il rechante. Chante ? Oui il chante maintenant. On comprend mieux : le bruit strident, la projection sur le mur, l'espace intimiste.
Les sons ? Oui le bruit est devenu son. Il n'y en a pas un pareil. Un concert de moustiques.


Tiphaine PETIT





PIERRE OU LES AMBIGUÏTÉS


Pièce de théâtre d’après Herman Melville. Adaptation Eve Gollac et Olivier Coulon-Jablonka. Mise en scène Olivier Coulon-Jablonka. Interprétation la Compagnie Moukden-Théâtre
Théâtre de l’échangeur 59 Avenue du Général de Gaulle 93170 Seine-Saint-Denis
Le 24 février 2012
Pierre, riche et beau jeune homme vit à la campagne avec sa mère et sa fiancée Lucy. Cette vie tout à fait paisible et agréable se trouve perturbée par l'arrivée d'une inconnue très mystérieuse : Isabelle. Elle lui révèle être sa sœur cachée, née d'une union illégitime du père. Bouleversé, hésitant, Pierre prend le parti de tout sacrifier pour ne pas entacher l'honneur de son père et rendre justice à sa sœur. Il se marie avec elle, pour lui donner le nom de son père, de leur père. C'est la descente aux enfers pour ce couple incestueux.
La pièce démarre sur une nuance peu subtile, d'une fausse (?) conférence. L'actrice s'adresse à nous comme à des enfants, elle joue sans jouer, on n'a pas l'impression qu'elle joue. Le ton calme et pédagogue dessert son monologue fort intéressant. Effectivement, on entame la pièce par une réflexion sur la religion. Elle parvient par un raisonnement très mathématique à nous prouver qu'il est impossible de croire en Dieu.
Croire. Autrement dit « avoir confiance » là est la subtilité de la pièce. En effet, la pièce entremêle deux textes de Melville. Deux idées se construisent. Dans « Pierre ou les ambiguïtés » (premier des deux romans), au-delà du drame intime et amoureux, se joue l'un des problèmes du XXème siècle. En effet, pour moi, Pierre incarne très bien les révolutionnaires de cette époque. A l'inverse d'Hamlet qui est le héros du drame de l'inaction, ici Pierre incarne le drame du héros d'un trop grand vouloir. Il cherche à casser en deux l'Histoire du monde. Tandis que le deuxième roman, « L'escroc à la confiance » semble plus être une suite de dialogues sophistiqués portant sur la foi et la confiance. Entraînant Pierre dans leurs dialogues.
Pour autant je fus surprise de la deuxième scène : très classique par rapport à l'enjeu de la pièce, que ce soit le jeu des acteurs ou l'utilisation de la scène (une pièce, un salon, d'une part, et d'autre part des planches de bois qui font office d'espace extérieur. Le plateau est donc divisé en deux de façon distincte). Cependant très rapidement des touches d'absurde se font sentir. L'absurdité au théâtre est une chose difficile à manipuler. Je m'attends donc au pire.
L'absurdité arrive avec deux acteurs, (qui étaient assis à côté de la scène, tapis dans l'ombre). Ils vont scander tout le spectacle de leurs apparitions burlesques et narratives. Parfois ils expliquent ce qu'il se passe (ce que l'on voit donc) ou font de petites réflexions (sur la confiance), ils peuvent aussi se glisser à l'intérieur même de la scène pour la perturber ou la modifier. Un parallèle s'installe qui relie étonnamment bien le discours quelque fois naïf de Pierre avec un discours plus cynique. Effectivement ce couple intemporel (les deux narrateurs) passe sans complexe en tant qu'acteur de la pièce, narrateur, et même spectateur. Leur jeu d'acteurs est peu subtil mais il n'en est pas moins intéressant, n'hésitant pas à dialoguer avec les spectateurs, à se tromper dans le texte, à rire de façon très puérile sur le jeu des acteurs, ou sur leur nudité. Quelque peu déroutant et difficilement cernable au début, le charme vient au fur et à mesure de la pièce. 
Le rythme de la pièce est très soutenu, changeant facilement de registre, l'adaptation de ces romans réussit un tour de force en alliant parfaitement bien les différents registres (le drame de Pierre, les réflexions sur la société, et l'absurdité.). Ce qui m'a le plus marqué est la mélodie de la pièce. En effet à chaque réplique, on entend le nom de l'interlocuteur : « Pierre » ou « mon frère » ou « ma mère » comme un refrain incessant, rythmique et chantant.
Cette adaptation des œuvres « Pierre ou les ambiguïtés » et « L'escroc à la confiance » d'Herman Melville (auteur de Moby Dick) associe subtilement l'humour cinglant, le drame, et la réflexion. Tout semble justifié, la nudité pudique de Pierre et même l'absurdité. Un mélange de registres très étonnant, détonnant et très réussi.
Tiphaine Petit





jeudi 1 mars 2012

TRUCE: Strategies for post-apocalyptic computation

Dispositif de Robin MEIER et Ali MOMENI
A la Chapelle de l'Oratoire. Annexe du musée des Beaux-arts de Nantes
Du jeudi 12 au dimanche 15 janvier 2012



"Ce sera au fond à gauche pour l'installation sonore"


Cette voix à la fois rauque, sérieuse et non accueillante sera vite oubliée.
Tu déambules entre les cimaises de l’exposition « Inquiétantes Étrangetés » et là, tes sens sont ravivés dès que tu rentres dans cette petite salle. Premièrement, tu renifles l'odeur du renfermé. Mais, vite celle-ci s'efface pour satisfaire la vue, l'ouïe et le toucher du spectateur.


Ce sont trois insectes qui jouent une musique. On les aperçoit et les voit grâce à une caméra et un micro fixés sur les différents dispositifs. Ils sont littéralement en train de tomber amoureux du chant indien qui leur est diffusé. C'est un concert de battements d'ailes…
Le plus hilarant, c’est quand tu touches le moustique. Ton odeur l'attire et il modifie la vitesse de ses battements d'ailles.


Joue le rôle de musicien et compose une mélodie de déclaration d’amour !
Plutôt surprenant, et à la fois sordide, on les stimule alors qu'ils ne trouveront pas la femelle de leur choix. Ils sont condamnés. Condamnés à s'agiter.
« Il est un peu fatigué celui-là » dit Robin MEIER (lors de la soirée d’inauguration).


Quel bel euphémisme! Ne veux-tu pas nous annoncer que ce pauvre moustique est décédé ?


Peut-être que l’amour l’a pris au vol !




Ce fut une bonne conclusion de l’exposition « Inquiétantes Étrangetés ».
Ah ! On en apprend des choses… Vous faites de belles découvertes, sacrés scientifiques !





RAVARY Coralie.