jeudi 7 avril 2011


Anthony McCall , installation  Between You and I  2006
du 3 février au 16 avril 2011
Collège des Bernardins : 20, rue de Poissy 75005 PARIS
http://www.collegedesbernardins.fr


Le cinéma n'est peut-être pas ce qui est projeté sur un écran, n'est peut-être pas un film. C'est un processus, un mode opératoire de l'ordre de l'expérience qui aboutit toujours au même résultat : un cône lumineux traversant qui forme une sculpture immatérielle : lumière. Entre toi et moi il n'y a que cette lumière. Source de vie elle nous jette dans le monde de l'image comme s'il existait, comme s'il était vivre. Voir et vivre par procuration ce qui ne peut être vécu, s'imaginer avoir cette vie.
Le cinéma est système solaire : la lumière jaillit par derrière pour que nous contemplions son action sur le monde. C'est une bible : on y croit sans être dupe. Ce n'est pas le processus qui nous fascine mais toutes les interprétations possibles de son action. On ne peut donner qu'une valeur empirique aux astres, c'est ce que l'on fait du cinéma. Naturellement simple, il n'est que mystifié et humanisé par l'absurdité de notre pensée.
Le cinéma est songeur, comme la vie. Il illustre notre façon de nous emparer de ce qui ne nous appartient pas ; le soleil en tant qu'homme ou bête.
Le cinéma veut nous faire oublier qu'il est cinéma tout comme le monde qu'il est une planète. Je ne sais pas ce qu'est une illusion, je ne peux savoir ce qui existe mais je peux ressentir, au même titre que chacun, par mon corps. J'ai ainsi pu vivre le cinéma et le comprendre physiquement car il est comme tout art une science. Plongé dans un noir total il n'y a que lui pour être vu, tel un soleil sans planète. Nous devenons écrans. Éblouis par cette faible lumière, nous pouvons contempler son action. Matière traversante ou traversée, il n'y pas d'explications : nous sommes là.
On redécouvre la vue parce qu'on y voit rien, et notre esprit parce qu'on ne peut rien y comprendre. Déambuler dans un cinéma où l'on n’a pas de place, regarder le projecteur étant l'écran. Le cinéma c'est ce trajet, plus rapide que nos sens, on le suit bêtement, on cherche son effet en se creusant ou en se laissant aller.
Le cinéma est sans règles bien qu'elles soient toujours respectées. Il n'a pas de durée ni d'espace : nous sommes tous égaux dans nos différences face à lui. C'est ce que les cinéphiles oublient, on ne peut parler que de ce qu'il n'est pas. Il est un raisonnement par l'absurde incessant qui est persuadé d'un sens.
  Le cinéma c’est la lumière qui dévoile la poussière de l'air.

                                                                                             

Hugo Rincé
André Masson
«Un nomade à Paris»
(De 1921 à 1967)  Au Musée du Montparnasse, Paris.



Errant dans les rues pleines de charmes de Paris.
Le voilà dans une impasse,
Le Musée du Montparnasse.
André Masson y fait une halte, une trêve.
Tel un atelier d’artiste
Le lieu est intimiste.
Décrivant  un Paris sans cesse en mouvement,
Un Paris dégoulinant d’odeurs, de voix et de sang.
Les courbes violentes et viscérales de l’homme
Donne à ses peintures une atmosphère  authentique.
Huile et pastels,
Peinture et collages,
Encre et fusains,
Accompagnés de photographies anonymes montrant notre capitale des années vingt.
Spectateur à la fois intrigué et timide face à l’escale au cœur du vieux Paris
Cette ville que l’on croyait perdue à jamais,
Renaît dans une promenade où tableaux, photos et vidéos se croisent et se répondent.
De la rue Blomet, aux abattoirs de la Villette, en passant par les Halles ou l’Odéon,
Voici, les beaux comme les mauvais jours.
Spectateur baladin, à l’écart du tourisme.
Spectateur adorateur de Paris
Masson disait lui-même s’en « être pris de passion »,
Une passion peu connue mais valant le détour.

Paris sa muse,

Paris son amour.

Plafond du théatre de l’Odéon.


  Peinture d’André Malraux.  




   André Masson et le plafond du théatre de l’Odéon.




Eléna Thiébaut 



Ruben Brulat
Du 3 mars au 30 avril à la galerie Confluence (13 & 14, quai de Versailles, 44000 Nantes).

© Ruben Brulat. 

J’ai découvert Ruben Brulat par son blog, ce qui m’a rendue un peu sceptique vis à vis de son travail. Cet artiste semblait être un énième globe-trotter racontant son voyage. Où se trouve le côté artistique entre photos « documentaires » et « cartes postales » ?
Le choix des photos de la série Primates m’a fait changer d’avis.

Ici, la présence du corps est aussi importante que celle du paysage. En fait, les deux sont complémentaires : La puissance de l’un n’est visible que grâce à l’insignifiance de l’autre.
Petit, fragile, sans visage ni habits, l’artiste gît à même le sol et nous rappelle la vulnérabilité de l’Homme, lorsqu’il est seul face à la nature.


Ce message peut paraître vide et redondant, comme si l’auteur rajoutait d’autres photos dans la masse d’images bien léchées à visée écologique (Yann Arthus Bertrand, Nicolas Hulot …).
Mais ce qui transparaît le plus dans ces images, c’est la solitude.
En effet, Ruben Brulat est encore seul et nu dans  Immaculate . On le voit recroquevillé, sur ce genre d’îlot de lumière que les villes laissent à minuit passé. L’éclairage public se transforme alors en projecteur, l’auteur est sous les feux de la rampe.
Pourtant, pas de paillettes dans cette série, pas de mondanités. Au contraire, la ville que dépeint Brulat est extraordinairement grise et vide.

© Ruben Brulat


J’ai de l’affection pour le travail de cet artiste : Il y a du Sempé dans ses clichés. Sur les images de ces deux auteurs, l’Homme n’est qu’une peccadille dans l’architecture. C’est pourtant lui qui a le plus grand rôle : Celui de nous interroger sur notre condition.  Ce que Sempé a fait par l’humour, Brulat le fait par le mystère.


Marianne Le Duc

Photosculpture
« La Photographie de la Sculpture de 1839 à aujourd’hui »
Kunsthaus Zurich (Suisse)
25 février – 25 mai 2011

Agressante pour certaine
Blanc et Noir
Création d’une sculpture grâce à la photographie
Diversité
Enrichissant
Figure
Grand espace
Horizon
Imitation
Jeux de couche
Kyrielle
L’envie d’en voir plus
Mouvement
Nouveau
Obscure
Prise de vue poétique
Questionnements
Révélation
Stupéfiante sensation
Technique
Univers variés
Voyage dans le temps
Xérographie
Yeux vairons
Zircon


Artistes : Eugène Atget, Hans Bellmer, Herbert Bayer, Constantin Brancusi, Brassaï, Manuel Alvarez Bravo, Claude Cahun, Marcel Duchamp, Peter Fischli et David Weiss, Robert Frank, David Goldblatt, Hannah Höch, André Kertész, Man Ray, Bruce Nauman, Gillian Wearing, Hannah Wilke, Iwao Yamawaki et beaucoup d'autres.


 "Fontaine" Marcel Duchamp


 "Outlaws" Peter Fischli & David Weiss


Marguerite Larue

Le monochrome sous tension

14 janvier au 5 mars 2011
16, avenue Matignon, 75008 Paris



Une immersion dans le monochrome, c’est ce que nous offre la galerie italienne Tornabuoni Art. Vaste sujet de réflexion qui génère une grande impulsion créative dans les années 1960. Des œuvres des grands maîtres y sont exposées : Manzoni, Fontana, Castellani… Si aujourd’hui, près d’un demi-siècle plus tard, la question du monochrome semble moins préoccuper les artistes contemporains que leurs pères, elle est néanmoins présente. Elle est représentée ici par Anselm Reyle, Laurent Grasso, François Morellet pour n’en citer que trois.
Monochrome. Tout de suite on pense à une toile lisse d’une seule couleur uniforme; mais cette évocation est bien réductrice de cet art. D’ailleurs, la galerie n’expose aucune œuvre de cette forme. Bien au contraire, chaque espace de présentation ou de représentation a subi une intervention physique, parfois brutale, de la part de l’artiste : pliage de la toile par Manzoni et Parrino, déchirure pour Fontana, … enfin de compte nous sommes très loin des toiles lisses auxquelles nous pensions au départ. Cette fois les œuvres deviennent dynamiques ; elles perturbent l’espace et créent de nouveaux volumes. La grande lentille concave d’Anish Kapoor aspire le spectateur et l’invite à regarder une vue, où les perspectives sont déformées, qui n’est autre que là où il se tient.



Anish Kapoor, Sans titre, 2008


Commissaire d'exposition : Matthieu Poirier
Artistes exposés : Lucio Fontana / Enrico Castellani / Piero Manzoni / Gianni Colombo / Piero Dorazio / Dadamaino / François Morellet / Luis Tomasello / Agostino Buonalumi / Steven Parrino / Anish Kapoor / Laurent Grasso / Anselm Reyle / Morgane Tschiember


Plantive-Triger Blanche



FRESH HELL, Carte Blanche à Adam McEwen
Palais de Tokyo Paris
Du 19 octobre 2010 au 15 janvier 2011

          Adam Mc Ewen invité par le Palais de Tokyo, y jouait le rôle du commissaire d’exposition. C’était la première fois que je voyais un artiste organiser un florilège d’œuvres d’autres créateurs.
Une fois entrée dans la première salle, me font face trois statues médiévales, bustes prêtés par le Musée de Cluny, et un mur de polystyrène recouvert d’aluminium !  Etrange mélange ! Je comprends alors qu’il ne s’agit pas d’un accrochage chronologique, mais que peut être Mc Ewen essaie de créer des ponts entre des œuvres à priori diamétralement opposées. Ici, on trouve également la photographie des sœurs Liden (ci dessus), choisie pour l’affiche de l’exposition. C’est un grand format aux couleurs attractives, qui met en scène les deux jeunes femmes grimées en bricoleuses devant un tractopelle, sur un chantier. Elles regardent droit dans l’objectif, l’air de dire au visiteur : « Nous sommes prêtes à œuvrer, à construire »
Le mur réfléchissant de Rudolf Stingel est déjà bien altéré des diverses interventions de visiteurs, qu’il invite à intervenir sur son support. L’objet a pris une tournure urbaine et collective.
La deuxième salle est exclusivement occupée par l’œuvre monumentale de Michael Landy, Marquet. Il s’agit d’étals recouverts de gazon vert en plastique, à la surface desquels n’était disposé aucun objet. L’absence de la marchandise et de l’humain est d’autant plus palpable qu’une vidéo nous montre le contraire : un commerçant barre le passage en emplissant un trottoir de cageots. Le spectateur déambule parmi les étalages fantôme d’un marché à la dérive
C’est donc en promeneur que nous pénétrons dans la troisième salle, celle où justement la figure humaine revient dans toute son incarnation. Cette section présente des travaux d’artistes sous le signe de l’exercice et de la recherche. Tandis que Ana Mandieta présente une vidéo dans laquelle elle mène une danse aussi bien sensuelle que macabre avec un squelette dans l’herbe, Gino de Dominicis s’entraîne à voler, Bas Jan Ader se met en position de proie dans son propre piège, Sarah Lucas fume sa cigarette avec un air songeur et Bruce Naumann court après un but mystérieux. On remarque également le cliché d’une maison fantomatique perdue au milieu d’eaux calmes, réalisé par Curt Goiris. Un coffre fort forcé, mis en place par Maurizio Cattelan, expose le vestige d’un pillage, d’une recherche frénétique.
Dans cette salle, j’ai vu l’implication du corps de l’artiste, parfois dangereuse, souvent expérimentale, et parfois conflictuelle (le terrible manque d’inspiration, l’angoisse liée à la création)
Et le jeu du corps et de l’esprit continue de plus belle dans la quatrième section : on entre par le labyrinthe suspendu de Georg Hérold, constitué de lattes de bois.
Il nous mène vers l’agrandissement du portrait noir et blanc d’un jeune homme, qui s’avèrera être Kafka. On découvre ici un autre visage de cet écrivain, authentique et déroutant, du simple fait de sa représentation pour le moins originale et intimiste, et de son impact dans l’imaginaire collectif .
La création sous psychotropes est traitée entre autre dans la section suivante avec les dessins d’Henry Michaux, effectués sous mescaline, ou même Dan Graham qui expose un tableau des psychotropes les plus consommés aux USA, et leurs effets secondaires. Avec une objectivité effrayante, il interroge les dangers d’une telle médication et la frontière entre drogues et médicaments.
L’ultime section de l’exposition offre une place importante à l’art conceptuel, à la question de la transcendance dans la création, auquel M. Cattelan fait un clin d’œil formel.

Ce qui m’a plu concernant cette exposition, c’est la façon qu’a Mc Ewen de décortiquer et de mettre en scène l’acte de création, et ce en mettant en corrélation des œuvres très différentes, d’époques parfois extrêmement éloignées. Du commencement à l’aboutissement d’un projet, les angoisses et autres affres liés à la recherche artistique, le mode de vie de l’artiste et la quête sémantique qui le guide, concernant ses œuvres comme sa propre existence.

Cécile Serres