Au
programme : le guitariste américain Bill Orcutt et son blues
déglingué, l’autrichien Christian Fennesz et l’allemand Florian
Hecker pour une électro expérimentale"
On
pourrait croire à l'aspect pour le moins superficiel de cette
description, qu'elle est tirée du programme d'une petite salle de
concert sans prétention. C'est pourtant au Centre Pompidou qu'a eu
lieu l'évènement. Trop
occupé à nous expliquer le pourquoi du comment de sa programmation.
Bill
Orcutt est un extraordinaire improvisateur d'inspiration blues au jeu
étrange et énervé pas loin du free jazz, c'est pour lui que je me
rends à cette soirée.
Christian
Fennesz est un des grands noms de la scène drone électronique.
Florian
Hecker est un musicien important aussi bien dans la musique
électronique (il a collaboré entre autres avec Aphex Twin) que dans
l'art contemporain pour ses installations sonores ou encore ses
collaborations avec Angela Bulloch.
J'en
conclus donc que le public, comme moi, connaît et apprécie le
travail d'au moins un des trois artistes, et que peu d'entre eux sont
venus par hasard. Sur place la salle est pleine. Florian Hecker est
chargé du premier set et ne se fait pas prier, sans qu'il ne soit
présenté par personne, il entame sa prestation. Les lumières
s'éteignent et des nappes sonores violentes envahissent la salle. La
grande scène est vide, seulement deux hautes tours d'enceintes sur
les côtés. La musique est étrange, presque moqueuse, et le volume
est élevé. Très vite, des gens dans la salle râlent et demandent
à ce que le volume soit baissé. Personne ne semble en tenir compte
et la musique continue avec des sons de plus en plus stridents. Puis
le ton monte et des insultes fusent. Au bout d'un moment il devient
difficile d'écouter la musique tant le public s'agite. En fait, plus
personne ne l'écoute, tout le monde chahute. Certains continuent à
réclamer à la régie de baisser le son, d'autres s'indignent contre
ces derniers, enfin, beaucoup s'amusent de la situation: "Plus
fort! On n'entend pas bien !". L'ambiance devient insupportable
jusqu'à ce qu'une personne monte sur la scène et s'assied, suivie
d'une autre qui se dirige vers une tour d'enceintes, puis la renverse
dans un bruit fracassant. Le staff de Beaubourg se précipite vers la
scène en laissant tout de même le temps au guignol de renverser la
deuxième tour. La musique se coupe net, la lumière s'allume et une
scène de lutte pathétique commence entre le type, le staff et
quelques personnes de l'assistance. Le tout est pitoyable, je reste
assis accablé et me demande si je verrai Bill Orcutt ce soir. Une
amie me demande si, comme une partie du public déjà, nous allions
quitter la salle. Je ne sais pas quoi lui répondre.
Bill
Orcutt sort des coulisses, en tongs avec sa guitare et tout le monde
se tait et applaudit. "What da fuck?" nous demande t-il
avec un air rieur bien qu'un peu perdu. On rit en essayant de ne pas
avoir l'air responsable de ce qui a eu lieu. On se dit tous qu'on est
vraiment un public de merde. Bill Orcutt, ne sachant quoi faire,
retire ses tongs et erre sur la scène. Un employé lui fait
finalement signe de retourner en coulisse. Il réapparaîtra un
moment plus tard et le concert continuera normalement, tant bien que
mal. Le petit vandale quand à lui aura eu à s'expliquer devant la
police. Je suppose qu'il a été poursuivi mais je ne me suis pas
renseigné.
Colin
Thil
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