mercredi 9 mai 2012

Entrelacs - Ai Weiwei


Jeu de Paume, Paris
du 21 février au 29 avril 2012

Pour moi, Ai Weiwei est avant tout un sculpteur, un maître de la porcelaine et de la céramique, un architecte, un paysagiste, un designer, un activiste aussi.
Passée la déception de ne pas assister à une expo comprenant ses sculptures mais bel et bien à une rétrospective photographique on se dit que ce médium ayant toujours été au cœur de sa pratique, Entrelacs devrait aider à comprendre qui il est.

L'exposition procède d'un cheminement chronologique : de ses premières années à New York alors qu'il était encore étudiant, à ses toutes dernières déclarations postées sur son blog.
A New York on peut le voir en compagnie de sa « bande  de potes » dans des lieux on ne peut plus banals, souvent des intérieurs. On a du mal à saisir ce qu'il fait vraiment là-bas à part prendre des photos...cette documentation de son cercle très proche et non de la ville et de ses habitants comme on pourrait s'y attendre fait presque sourire le spectateur qui connait lui les difficultés que l'artiste a à quitter de nouveau la Chine.

L'utilisation de la photographie par Ai Weiwei est presque documentaire, notamment depuis qu'il s'est fait le porte parole de la liberté d'expression en Chine. Nombre de ses actions ne sont documentées que via la photo. Par exemple lorsqu'on lui a demandé de construire un centre culturel et artistique de la jeunesse et qu'on l'a détruit le lendemain de son inauguration dans le seul but de maintenir l'artiste en Chine durant deux ans, l'artiste expose deux photos de la construction et deux photos de la destruction.


Dropping a Han Dynasty urn - 1995-3 photos, 148x121cm each

Ce fut un réel plaisir de pouvoir admirer les originales et impressionnantes photos de la série Dropping a Han dynasty urn. Il y a là une plasticité indéniable dans le geste, ainsi que dans le traitement de la photo en elle même. Même si lourde de sens, l'action est toute somme minimale et il fallait selon moi ces tirages en grand format pour la mettre en valeur, l'imposer aux yeux de tous en quelque sorte. Certains diront que les grands tirages fonctionnent tout le temps et qu'il est facile d'impressionner avec...Néanmoins ce geste emblématique de la recherche d'Ai Weiwei nécessitait d'être montré en grand. Les trois photos imposent une telle présence dans l'espace de l'exposition qu'on est obligé de les regarder un certain temps et ainsi, de s'imprégner des questions fondamentales auquel l'artiste s'attaque : à savoir la lutte contre toute forme de modèle établi, et la préservation (ou non ?) des valeurs historiques à une époque où la société chinoise connaît des bouleversements sans précédent.


Ai Weiwei a mis un certain temps à comprendre que c'était de la Chine qu'il voulait et devait parler.
Dans Study of perspective on a le sentiment qu'il extrapole ses problèmes personnels avec la Chine (son enfance et la vie de son père) pour finalement questionner toute forme de respect envers un modèle ou une puissance historiquement établie et ce quelque soit son appartenance culturelle (Tour Eiffel, Maison blanche etc). Le caractère généreux de cette pièce tranche avec le reste et c'est à ce ce moment précis qu'on se dit : « En fait c'est un peu ce qu'il manque à son travail dans l'ensemble : un désir de généralité.. ».
Après réflexion il est peut être mieux qu'il traite de ce qui le touche directement, de ce qu'il connaît.
En effet il se dégage au final une grande maturité de son travail du fait que bien qu'il soit potentiellement capable de tout (plastiquement) et ne pose pas de limite, il sait où il se situe artistiquement et socialement. Alors lorsque nombre de ses travaux/actions convergent dans le même sens on ne peut qu'être admiratif du mélange total qu'il opère entre son art et sa vie. Les actions qu'il entreprend lui prennent souvent énormément de temps (exemple : faire le travail de la police pour retrouver le nom des enfants morts dans les écoles du Sichuan après le tremblement de terre de 2008) et les photos prises par lui-même sur lesquelles on le voit entouré de policiers ou à l'hôpital après une réprimande sont autant des fragments de sa vie personnelle que des témoignages surpuissants de son action artistique en Chine.
C'est en cela que la photographie est réellement liée a là vie de cet homme et qu'une exposition selon ce médium fut une idée judicieuse et un pari réussi.

Adrien Noelle


Photographie/action menée à distance en collaboration avec Anish Kapoor. Samedi 18 juin 2011


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