Jeu
de Paume, Paris
du
21 février au 29 avril 2012
Pour
moi, Ai Weiwei est avant tout un sculpteur, un maître de la
porcelaine et de la céramique, un architecte, un paysagiste, un
designer, un activiste aussi.
Passée
la déception de ne pas assister à une expo comprenant ses
sculptures mais bel et bien à une rétrospective photographique on
se dit que ce médium ayant toujours été au cœur de sa pratique,
Entrelacs devrait aider à comprendre qui il est.
L'exposition
procède d'un cheminement chronologique : de ses premières
années à New York alors qu'il était encore étudiant, à ses
toutes dernières déclarations postées sur son blog.
A
New York on peut le voir en compagnie de sa « bande de
potes » dans des lieux on ne peut plus banals, souvent des
intérieurs. On a du mal à saisir ce qu'il fait vraiment là-bas à
part prendre des photos...cette documentation de son cercle très
proche et non de la ville et de ses habitants comme on pourrait s'y
attendre fait presque sourire le spectateur qui connait lui les
difficultés que l'artiste a à quitter de nouveau la Chine.
L'utilisation
de la photographie par Ai Weiwei est presque documentaire, notamment
depuis qu'il s'est fait le porte parole de la liberté d'expression
en Chine. Nombre de ses actions ne sont documentées que via la
photo. Par exemple lorsqu'on lui a demandé de construire un centre
culturel et artistique de la jeunesse et qu'on l'a détruit le
lendemain de son inauguration dans le seul but de maintenir l'artiste
en Chine durant deux ans, l'artiste expose deux photos de la
construction et deux photos de la destruction.
Dropping
a Han Dynasty urn - 1995-3
photos, 148x121cm each
Ce
fut un réel plaisir de pouvoir admirer les originales et
impressionnantes photos de la série Dropping a Han dynasty urn.
Il y a là une plasticité indéniable dans le geste, ainsi que dans
le traitement de la photo en elle même. Même si lourde de sens,
l'action est toute somme minimale et il fallait selon moi ces tirages
en grand format pour la mettre en valeur, l'imposer aux yeux de tous
en quelque sorte. Certains diront que les grands tirages fonctionnent
tout le temps et qu'il est facile d'impressionner avec...Néanmoins
ce geste emblématique de la recherche d'Ai Weiwei nécessitait
d'être montré en grand. Les trois photos imposent une telle
présence dans l'espace de l'exposition qu'on est obligé de les
regarder un certain temps et ainsi, de s'imprégner des questions
fondamentales auquel l'artiste s'attaque : à savoir la lutte
contre toute forme de modèle établi, et la préservation (ou non ?)
des valeurs historiques à une époque où la société chinoise
connaît des bouleversements sans précédent.
Ai
Weiwei a mis un certain temps à comprendre que c'était de la Chine
qu'il voulait et devait parler.
Dans
Study of perspective on a le sentiment qu'il extrapole ses
problèmes personnels avec la Chine (son enfance et la vie de son
père) pour finalement questionner toute forme de respect envers un
modèle ou une puissance historiquement établie et ce quelque soit
son appartenance culturelle (Tour Eiffel, Maison blanche etc). Le
caractère généreux de cette pièce tranche avec le reste et c'est
à ce ce moment précis qu'on se dit : « En fait c'est un peu
ce qu'il manque à son travail dans l'ensemble : un désir de
généralité.. ».
Après
réflexion il est peut être mieux qu'il traite de ce qui le touche
directement, de ce qu'il connaît.
En
effet il se dégage au final une grande maturité de son travail du
fait que bien qu'il soit potentiellement capable de tout
(plastiquement) et ne pose pas de limite, il sait où il se situe
artistiquement et socialement. Alors lorsque nombre de ses
travaux/actions convergent dans le même sens on ne peut qu'être
admiratif du mélange total qu'il opère entre son art et sa vie. Les
actions qu'il entreprend lui prennent souvent énormément de temps
(exemple : faire le travail de la police pour retrouver le nom
des enfants morts dans les écoles du Sichuan après le tremblement
de terre de 2008) et les photos prises par lui-même sur lesquelles
on le voit entouré de policiers ou à l'hôpital après une
réprimande sont autant des fragments de sa vie personnelle que des
témoignages surpuissants de son action artistique en Chine.
C'est
en cela que la photographie est réellement liée a là vie de cet
homme et qu'une exposition selon ce médium fut une idée judicieuse
et un pari réussi.
Adrien Noelle
Photographie/action
menée à distance en collaboration avec Anish Kapoor. Samedi 18 juin
2011
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire